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Le pire n’est (presque) jamais certain - 12 mai 2011 à 12:01

Bonjour

 Sur le fond de l’article, il est évident que le PS cherche à travers la commémoration du 10 mai, à exploiter un événement historique pour se donner une légitimité politique à l’approche d’échéances électorales majeures. Comme 1981 a représenté une rupture, 2012 en représenterait une, si le PS revenait aux affaires. Opération passablement malhonnête, car elle fait bon marché de la période 83-92, qui signe la conversion de la gauche française à l’économie de marché comme horizon indépassable (alors que Mitterrand promettait une transition du capitalisme vers le socialisme), les années fric (mettre un Bernard Tapie ministre, fallait quand même le faire !) et bien sûr la conversion, l’orientation pro-européenne de Mitterrand.
 Sur ce dernier point, les choses sont à la fois complexes et simples. Il est évident de Mitterrand l’européen est un homme de la 4ème République, marqué par les conflits mondiaux qui se sont déroulés sur le sol européen. C’est dans cet horizon qu’il pense la construction européenne. La poignée de mains à Kohl à Verdun en est le symbole le plus éminent. Dans cette optique, comment pourrions nous ne pas être européens ? A tel point que la construction européenne n’a commencé à faire problème, pour les opinions publiques, qu’après la chute du mur. Là il y a une nouvelle donne. La victoire des US sur l’empire soviétique (même froide, il s’agissait d’une guerre) signifie l’entrée dans la mondialisation capitaliste, avec une nouvelle mue du capitalisme ("financiarisation" de l’économie) ; à ce moment l’Europe n’est plus un simple projet de coopération et de pacification des peuples, elle devient une arme pour normaliser les politiques hétérogènes d’Etats comme la France et les conformer au modèle unique, capitaliste et libéral, imposé par l’Empire.
Alors, l’européisme pose un problème de terminologie. Peut-être. Mais tous les mots sont à double sens, ambivalents, peu précis. Nation ne connote pas forcément nationalisme. Défendre les Etats-Nations, c’est défendre la capacité politique des peuples. La nation, c’est le nationalisme, certainement. Mais c’est aussi l’internationalisme. On doit donc tenir et la construction européenne, et la défense de l’Etat Nation. La construction européenne parce que nous avons une histoire, une culture, une géographie et des intérêts communs. L’Etat Nation parce c’est le cadre naturel d’une capacité politique. A le nier, on laisse la voie libre à la démagogie et à la xénophobie du FN.
En clair, on ne pourra porter des coups décisifs au FN que lorsqu’on aura repéré ce qui fait la raison de son succès. Oui à l’Europe sans européisme (au sens d’un projet qui vise à ôter leurs capacités politiques aux peuples), et oui à la Nation sans nationalisme. C’est la très vieille idée de République. Philosophiquement, ça implique de repenser les rapports du particulier à l’universel. J’aime beaucoup la formule de JC Michea, l’universel, c’est le local sans les murs. Le nationalisme élève des murs et des haines. L’internationalisme les renverse et vise la fraternité. Mais il n’organise pas la disparition du local, du particulier, de la différence.

Je prendrai un exemple pour finir. Ma région d’origine est l’Est de la France. Lors d’une visite à mes parents dernièrement, j’apprends en lisant la gazette locale qu’une entreprise de fromage hollandais vient d’acheter des terres, des vaches pour construire une entreprise fromagère et fabriquer du gouda en Franche Comté, pays fameux pour son fromage, et pas seulement la cancoillotte de H.F. Thiéfaine. Et bien je ne suis pas chauvin, et j’aime la Hollande et ses fromages. Je mange du fromage hollandais, quand je vais en Hollande. Quand je suis chez moi, je mange le fromage de chez moi, fabriqué par les fromagers locaux, avec les vaches qui paissent dans les prés de mon pays. Et donc ce projet me choque. Parce qu’au bout du compte, on va finir par fabriquer un fromage qui ne sera ni hollandais, ni franc-comtois, l’équivalent de ces choses dégoulinantes qui suintent de ces choses informes qu’on appelle des "hamburgers" ... et on aura perdu deux richesses culturelles. La coopération et l’échange ne peut pas signifier l’abolition des identités et la fusion dans l’indifférencié. D’ailleurs, c’est une évidence logique avant d’être une évidence politique. On échange à partir du moment où on a quelque chose à échanger. Si l’européisme signifie la victoire du Même, sous son modèle américain de préférence, alors non à l’européisme. Il est dommage que ce genre de vérité sorte de la bouche de Le Pen. Cela signifie simplement que le succès politique du FN n’est pas dû au hasard, mais découle d’un principe de réalité, que la gauche ferait bien de prendre en compte.

Car on peut quand même espérer qu’il n’y a pas à choisir entre la normalisation yankee et le bruit des bottes fasciste. Or ceux qui veulent imposer à tout prix la normalisation yankee pourrait bien être les vecteurs du renouveau fasciste, dans un mouvement dialectique bien compréhensible.


#32318



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