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et du verbiage - bombix - 11 novembre 2011 à 20:18

Des idées, de l’ordre, mais quelques fautes, des incorrections, et du verbiage.

Par conséquent ils ne sont pas toujours bien ravitaillés et souffrent quelquefois de la faim. [C’est rare]

Non ce n’était pas rare. Giono : « On a faim, on a soif. On voit là-bas un mort couché par terre, pourri et plein de mouches mais encore ceinturé de bidons et de boules de pain passées dans un fil de fer. On attend que le bombardement se calme. On rampe jusqu’à lui. On détache de son corps les boules de pain [...] Le pain est mou. Il faut seulement couper le morceau qui touchait le corps. » C’est extrait encore une fois du magnifique livre de Carine Trevisan. Elle explore cet imaginaire de la mort qui se déploie dans la littérature après 14-18. 14-18, la "grande guerre" : cette guerre matricielle de l’abominable XXème siècle, qui inaugure comme l’a souligné l’historien George L. Mosse la brutalisation des sociétés européennes... Or tandis que l’on fait parler ceux qui ne savent pas, comme cette petite fille dans sa rédaction, ceux qui savent ne parlent pas quand ils reviennent. "Ça" étouffe les paroles (Barbusse) "Ça venait des profondeurs, et c’était arrivé" (Céline) Le vrai témoin, celui-là seul qui aurait le droit de parler, il est mort : "Survivants de tant de morts, la mort était à nos yeux le vrai prix de la guerre et nous qui n’étions pas morts, nous ne l’avions pas payé" (Brice Parain) C’est tout l’intérêt du livre de Trevisan de montrer dans la (bonne) littérature cet effort pour dépasser cet impossible de la parole chez les survivants. Songer aussi à Primo Levi. A l’opposé des monuments aux morts glacés (il y eut après la guerre une véritable industrie du monument aux morts, tous plus hideux les uns que les autres), qui ensevelissent à jamais les morts dans des discours officiels, qui les tuent à nouveau d’une certaine manière — préparant un immense retour du refoulé (*) — la fiction (ou les témoignages autobiographiques), prudente, embarassée, maladroite, lacunaire prépare par une voie oblique et toujours périlleuse la venue aux mots de ce qui est scellé.

By homely gift and hindered Words
The human heart is told
Of Nothing —
"Nothing" is the force
That renovates the World —

Emily Dickinson

Par dons modestes et à demi-mots,
Le cœur humain apprend le rien.
Rien, est la force qui rend le monde neuf.

Un monde à nouveau vivable.

(*) Comme le note Antoine Prost, choisir l’Arc de triomphe comme lieu d’inhumation du Soldat inconnu implique que l’on donne au culte des morts une signification plus patriotique que funéraire, et qu’on atténue par conséquent la force de l’expression du deuil. Le retournement le plus spectaculaire de la perte en gain s’opère dans l’étrange projet conçu par Hitler dès 1925 : ériger au centre de Berlin non un mémorial, un monument du deuil, mais un colossal arc de triomphe où serait gravé dans le granit le nom de chacun des un million huit cent mille soldats allemands tombés au champ d’honneur. Ce monument de pierre dure niant la défaite, et censé défier à jamais l’érosion du temps, fait des morts de 14 le socle paradoxal de la puissance du Führer : « Sans les morts de la Première Guerre mondiale, il n’aurait jamais existé, écrit Canetti [Masse et puissance]. Son intention de les rassembler dans son arc de triomphe témoigne sa reconnaissance de cette vérité [...] Ce qui le possède et qui se manifesta par une vitalité inquiétante, ce sont ces morts. » (souligné par moi) C. Trevisan, op. cité, p. 7. Antoine Prost est l’auteur d’un ouvrage pionnier sur les monuments aux morts.


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