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Pagus et patria - bombix - 6 mars 2012 à 10:21

On peut signaler deux intéressants articles dans l’Encyclopédie Universalis à propos de Nation.

Le premier, de AM Thiesse, signale bien l’ambiguïté du concept, puisque selon l’étymologie, nascere, naître, la nation désigne un groupe d’origine commune, une population ayant une même souche (biologique ?) Puis à l’époque des Lumières, sous l’influence des théories politiques contractualistes (Hobbes, Rousseau), la nation devient « un corps d’associés vivant sous une loi commune et représentés par une même législature » (abbé Sieyès).
Si le concept varie selon l’histoire, il varie aussi selon la géographie. La thèse contractualiste serait française, la thèse "naturaliste" ou "essentialiste" serait allemande, sous l’influence notamment du romantisme. Aucune de ses positions n’est valable jusqu’au bout, et l’auteur de citer Renan (Qu’est-ce qu’une nation ?) : « La nation, selon la formule d’Ernest Renan, est « un plébiscite de tous les jours », comme union contractuelle idéale, mais elle n’existe durablement que si ses membres, malgré leurs divergences et leurs différences sociales, partagent une forte croyance en leur commune appartenance. » [Remarque : en ce sens, la formule de Staline (non citée dans l’article) est en nette régression sur la conception que s’en faisait Renan. Staline : « La nation est une communauté humaine stable, historiquement constituée, née sur la base d’une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit par une communauté de culture. » (in Le Marxisme et la question nationale )]

Plus historique, l’article de Georges Burdeau sur l’idée de nation signale : 1) La nation française est constituée très largement avant le XVIIIème siècle. L’auteur signale l’importance de la guerre de cent ans : « les défaites, puis les succès de cette longue guerre et l’épopée de Jeanne d’Arc ont exercé une influence décisive sur la formation du sentiment national. » Puis il signale évidemment 2) que la nation au XVIIIème est une arme stratégique des révolutionnaires contre la monarchie : « la floraison du sentiment national est, ici comme là, liée à la montée de la bourgeoisie, représentant la classe moyenne, qui veut prendre une part plus active à la vie politique de la nation. La France cependant va, cette fois, se séparer de l’Angleterre, parce que l’exaltation de la nation s’y fait contre l’Ancien Régime avant de s’attaquer à la monarchie elle-même. »

On apprend d’autre part des choses très intéressantes : le mot "patrie", avec son sens moderne, entre dans la langue au XVIème siècle, à l’initiative de Joachim du Bellay. Il vient du patria latin, mais jusqu’alors, on se servait d’un seul mot, pays, pour traduire à la fois pagus et patria ; d’autre part, la nation moderne a le souci de l’universalité (version positive) ou de conformité (version négative) alors que pendant l’ancien régime, on s’accommode fort bien de la diversité : « L’Ancien Régime n’avait pas le souci d’uniformité qui caractérise les États modernes : de même que l’unité de la nation s’accommodait parfaitement de la pluralité de statuts individuels dans l’organisation sociale (clergé, noblesse, tiers état), de même le loyalisme national ne prenait pas ombrage du particularisme provincial. Chaque province a son statut propre et souvent ses états particuliers ; la diversité ne nuit pas à l’unité et, comme l’écrit B. Guenée, « loyalisme et particularisme, loin de se détruire, se renforcent l’un l’autre ».

PS : Il faudrait manipuler avec plus de soin ces concepts d’uniformité, diversité, particularité. C’est à mon sens le grand mérite de Hegel d’avoir réconcilié au sein d’une rationalité compréhensive plus large que l’entendement ("penser la vie !), le particulier et l’universel sous l’espèce de l’universel concret. Dans cette optique, la particularité est réconciliée avec l’universalité ; l’universel pour apparaître dans le monde a besoin d’existants particuliers pour s’incarner. C’est la meilleure réponse à opposer à l’extrême droite qui voudra toujours nous ramener dans la nuit de l’irrationnel pour sauver la diversité et la particularité.


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