Les inégaux du Dimanche

vendredi 17 juillet 2009 à 10:32, par Mister K

Dans la grande tradition des lois impopulaires, la loi dite de "dérogation au principe de repos dominicale" a été examinée et adoptée [1] par l’Assemblée Nationale en plein mois de juillet, le 15 Juillet 2009 précisément. Nos députés locaux, Yves Fromion et Louis Cosyns (UMP) ont voté en faveur de cette loi. Jean-Claude Sandrier (PCF) a voté contre. Mais que contient réellement cette loi ?

Une loi trompeuse

Les inégaux du Dimanche
Un dimanche aux champs ?
Photo sous licence Creative Commons. Auteur Poil0do

Au premier abord, on pourrait croire que les grands principes du travail dominical sont préservés puisque le texte voté par l’Assemblée Nationale affirme dès l’article 1er que « Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps. ». De plus, concernant ce travail du dimanche, la loi insiste bien sur le volontariat des salariés qui doit être affirmé par écrit avec possibilité de changer d’avis.

Le problème, c’est que d’une façon habile, le texte stipule que « les établissements de vente au détail situés dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel ». Comprendre que le dimanche sera potentiellement un jour de travail comme un autre pour les salariés de certaines communes.

Une loi à géographie variable

Qui sont les heureux élus qui auront "la chance" de travailler le dimanche pour pas un rond de plus ? Déjà, ce ne seront pas les habitants de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin pour qui la loi ne s’applique pas. Les communes concernées sont les grandes villes (Paris, Lille, Marseille) [2] et les zones touristiques ou thermales. Une liste précise sera dressée par le préfet après avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d’agglomération et des communautés urbaines, lorsqu’elles existent. On peut donc s’attendre à tout et n’importe quoi.

Une première étape...

Selon Richard Mallié, le rapporteur UMP de la loi, ce sont 150 000 salariés répartis dans 497 communes qui seraient concernés par la loi. A n’en pas douter, une partie des élus UMP sortiront cet argument à leurs administrés afin de les rassurer : ils ne seront pas touchés par cette loi... On rajoutera malicieusement, "pour le moment". Car évidemment, il s’agit là d’une première étape pour le Président de la République qui a imposé cette loi, y compris à sa majorité. Il tenait personnellement beaucoup à celle-ci afin de pouvoir faire du shopping sur les Champs-Elysées le dimanche... Sérieusement, l’idée est bien évidemment de banaliser le travail le dimanche et en faire un jour comme un autre...

Le travail le dimanche, pourquoi pas ?

Oui, pourquoi pas ? Même si les arguments ne manquent pas pour encadrer le travail le dimanche, on pourrait affirmer cette liberté partout sur le territoire. Mais pourquoi ne pas garantir un paiement double à tous les travailleurs du dimanche ? C’est bien cet aspect de la loi qui en fait une loi libérale et non une loi pour les libertés de travailler le dimanche ; une liberté qui existe d’ailleurs depuis longtemps en France et à qui cette loi n’apporte pas grand-chose si ce n’est un peu plus de confusion encore.

Et la suite ?

Le Sénat devra donner son aval au texte voté par l’Assemblée Nationale, ce qui devrait être une formalité. Mais, au regard du texte, un recours auprès du Conseil Constitutionnel est plus que probable. En effet, les français ne semblent pas tous égaux face à cette loi...

[1282 voix pour, 238 contre

[2Lyon est exemptée, la ville n’ayant, a priori, pas d’habitudes de consommation dominicale...

commentaires
Les inégaux du Dimanche - Eulalie - 18 août 2009 à 13:39
#23573
Les inégaux du Dimanche - Mister K - 6 août 2009 à 20:59

Mais, au regard du texte, un recours auprès du Conseil Constitutionnel est plus que probable. En effet, les français ne semblent pas tous égaux face à cette loi...

Le recours au Conseil Constitutionnel a bien eu lieu mais n’a pas donné les résultats espérés par la gauche et la parti socialiste : l’essentiel de la loi a été validé à l’exception de la partie spécifique à la ville de Paris qui prévoyait que le préfet (en lieu et place du maire partout ailleurs en France) avait le pouvoir de proposer un classement en zone touristique synonyme de possibilité de travailler le Dimanche. A Paris, comme ailleurs, c’est donc le maire qui fera la proposition de classement en zone touristique, proposition qui fera ensuite l’objet d’un arrêté préfectoral.

Seul problème pour Nicolas Sarkozy qui tenait absolument à pouvoir visiter toutes les boutiques de Champs Elysées le dimanche, la maire socialiste de Paris est opposé au travail dominicale...


#23545
Les inégaux du Dimanche - Eulalie - 17 juillet 2009 à 15:07

un paiement double le dimanche pour les employés ne serait encore pas une liberté, une garantie de salaire suffisant proportionnel à ce qu’implique à une personne d’aller travailler le dimanche pour engraisser son gros patron. A quel prix va t-on travailler le dimanche ? au même titre que le travail de nuit... Les garanties étaient-elles déjà suffisantes, justes, avant la casse du Code du Travail ? Une caissière gagne 700 à 800 euros, à temps partiel imposé, 1000 euros à temps plein, et les petits interessements au gigantesque bénéfice de l’entreprise.

Evidemment, quand on apprend qu’aujourd’hui après une grève de 16 jours les salariés d’une enseigne à Marseille se voient "obtenir" l’augmentation de leur ticket repas de 3,05 euros à 3,50 euros, on peut être "nostalgique" des garanties salariales de la sociale démocratie...

Mais le turbin le dimanche, la nuit, a t-il un sens pour la vie des employés ? et pour les consommateurs, les touristes ?

En tous cas, il est certain qu’à chaque fois qu’on va faire ses courses le dimanche, qu’on va aller comme des cons acheter le dimanche, on creuse notre propre tombe et on abonde dans les propos de Parisot : " la rémunération de l’audace et du talent".....

Je ne vois pas en quoi l’ouverture de magasins le dimanche peut-être une liberté, un droit, pour qui que ce soit, à part, pour le Medef et compagnies....Considérer que pouvoir acheter le dimanche est une liberté ou travailler le dimanche en soit une, c’est vraiment qu’on ne sait plus ce qu’est la liberté, le droit, et qu’on a une estime bien basse de notre de notre propre vie de salariés, d’Hommes, : travailler, consommer. Avec notre propre manque de réaction, ça va finir par devenir constitutionnel, et peut-être même que c’est déjà inscrit, je l’ignore, dans la Convention européenne des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales....


#23485
Les inégaux du Dimanche - Mister K - 17 juillet 2009 à  19:56

Eulalie, que les choses soient bien claires, je ne suis en aucun cas favorable au travail le dimanche. Moi-même, sauf cas exceptionnel, je n’accepterai pas de travailler le dimanche. Mais, si ce travail le dimanche n’est pas subit mais choisi, alors pourquoi pas ? Il y a des cas où c’est bien adapté, par exemple pour les étudiants... Mais la grosse faiblesse, c’est bien sûr ce volontariat qui est bien souvent un choix faute de mieux, Faute de pouvoir gagner correctement sa vie en travaillant la semaine. Mais il s’agit là d’un autre problème : les salaires sont trop faibles en France et la répartition des gains des entreprises totalement injuste, et ce, que l’on travail le dimanche ou le reste du temps.
Et justement, le fait que pas mal de personnes sacrifient déjà leur dimanche pour des cacahouètes et qu’il y en aura encore plus à l’avenir doit être dénoncé. Car, à part Sarkozy, tout le monde sait très bien que beaucoup de gens travaillent déjà le dimanche...

Ensuite, quand je parlais de liberté, je parlais pour ceux qui travaillent...la liberté d’acheter le dimanche ce que l’on peut acheter tout le reste du temps, franchement, je m’en cogne d’autant que cela va potentiellement à l’encontre de la liberté d’autres gens.

#23488 | Répond au message #23485
Les inégaux du Dimanche - Eulalie - 17 juillet 2009 à  20:25

Mister K, j’ai bien compris que vous n’étiez pas favorable au travail le dimanche. Votre article est clair, et merci de nous avoir signaler que c’était en train de passer.
Mais c’est eux qui utilisent le mot liberté à tout bout de champ, alors que ça en va à l’encontre, comme vous le dites vous même. Et si, je crois que le travail le dimanche et la répartition des gains, les salaires de m... sont exactement le même problème (ainsi que le travail le dimanche des étudiants et d’ailleurs le travail des étudiants hors dimanche aussi... les étudiants sont payés des cacahuètes aussi et n’ont qu’à courber l’échine puisqu’ils ne sont pas considérés comme du salariat "normal"... ). Bon, faut dire que j’ai toujours trouvé dingue d’entendre des gens se plaindre de ne pas avoir le droit de travailler le dimanche...Bon, ben voilà, ils sont servis, maintenant ils peuvent... C’est vrai quoi, c’était digne d’une dictature de ne pas avoir le droit de travailler le dimanche ! nous voilà au pays de la liberté de se faire niquer plus. ;-)

#23489 | Répond au message #23488
Les inégaux du Dimanche - Mister K - 17 juillet 2009 à  23:34

C’est vrai quoi, c’était digne d’une dictature de ne pas avoir le droit de travailler le dimanche ! nous voilà au pays de la liberté de se faire niquer plus. ;-)

Non, mais ça fait très longtemps que l’on peut travailler le dimanche en France. C’est Sarkozy qui veux faire croire que c’est grâce à lui si on peut enfin travailler le dimanche. En réalité, de nombreux secteurs travaillent tous les dimanches (hotels, restaurants, bars, fleuristes, commerces alimentaires, etc.). Et il est déjà actuellement possible d’obtenir de la part du préfet des autorisations temporaires pour travailler le dimanche si l’on prouve qu’une fermeture le dimanche peut mettre en péril la vie de l’entreprise. Et puis aussi les fameuses dérogations exceptionnelles 5 fois par an...

Bref, la loi ne va pas changer grand chose si ce n’est institutionnaliser un peu plus le dimanche comme un jour de travail comme un autre...et institutionnaliser les différences qu’il existe entre les travailleurs du dimanche alors qu’on aurait pu s’attendre à ce qu’ils soient tous mis sur un pied d’égalité et qu’ils obtiennent un statut spécial qui puisse les protéger et leur faire véritablement bénéficier de leurs efforts.

#23491 | Répond au message #23489
Les inégaux du Dimanche - Eulalie - 18 juillet 2009 à  01:26

" bref, la loi ne va pas changer grand chose si ce n’est institutionnaliser un peu plus le dimanche comme un jour de travail comme un autre" Oui, c’est de ça que je parlais.

oh, je crois qu’il faut actuellement surtout s’attendre à chaque fois au pire... et on n’a pas besoin d’attendre longtemps.

#23492 | Répond au message #23491