Intervention de Nicolas Sarkozy du 12 juillet 2010

Manque de rigueur

jeudi 15 juillet 2010 à 12:49, par Mister K

L’intervention de Nicolas Sarkozy a eu le mérite d’avoir lieu un 12 juillet soit en période de vacances d’une partie des Français. Avec un peu de chances, une bonne partie des téléspectateurs a regardé le show sarko d’un oeil amusé, en prenant l’apéro juste avant le barbecue. Les remarques sarkostiques ont dû fuser d’un peu partout en France. Heureusement. Parce que, dans un cadre un peu moins détendu, l’intervention de ce 12 juillet 2010 de Nicolas Sarkozy pourrait mettre les Français très en colère et ceux-ci pourraient lui en tenir rigueur. Comment peut-on proférer autant de mensonges et montrer autant d’aveuglement en un peu plus d’une heure ?

Le contexte

Manque de rigueur

Le contexte de l’intervention de Sarkozy était connu. Trois ans d’exercice du pouvoir sans résultat probant dans quelque domaine que ce soit. Un président tout puissant : omniscient, intervenant dans tous les domaines, éclipsant son premier ministre et son gouvernement, tordant les principes de la République selon son bon vouloir. Un président souhaitant tout contrôler, y compris les médias jusqu’à intervenir dans le rachat du journal Le Monde. Un contexte économique de crise mondiale qui est l’excuse et l’explication de tous les ratages depuis trois ans. Un contexte intérieur de crise politique depuis la mi-juin 2010 avec ce que l’on appelle l’affaire Woerth-Bettencourt. Et puis bien sûr, la réforme des retraites à venir qui devrait être l’unique "grande réforme" jusqu’en 2012.

Face à tout cela, une opposition politique faiblarde, inaudible. Et peu de contre-pouvoirs ; la presse écrite a été semble-t-il réveillée par la presse dite "internet" avec des sites comme Médiapart et Rue89. Internet est la seule zone de libre expression que le tout puissant Sarkozy ne peut contrôler... pour l’instant tout du moins.

La crise politique

Comme il fallait s’y attendre, l’intervention de Nicolas Sarkozy a débuté par l’affaire dite "Woerth-Bettencourt". Cette affaire a "le mérite" de concentrer toute les dérives de la politique de Sarkozy et de l’UMP. Depuis le début, il est évident que rien d’illégal n’a été commis par le ministre Woerth. Mais un drôle de mélange des genres ne peut qu’alimenter les suspicions : comment ne pas voir qu’il n’est pas approprié pour une femme de ministre du budget de gérer une des plus grosses fortunes de France ? Comment ne pas s’apercevoir que cumuler le rôle de trésorier d’un parti comme l’UMP et ministre du budget est dangereux ? Et comment ne pas être scandalisé quand Nicolas Sarkozy "conseille" à son ministre du budget de démissionner de son rôle de trésorier de l’UMP quand on sait que Nicolas Sarkozy est le véritable chef de l’UMP ?

L’affaire Woerth-Bettencourt, c’est aussi le boomerang de la politique Sarkozy. Certains découvrent que l’on rend 30 millions d’euros à une milliardaire et que ce n’est que l’application de la loi votée dès le début du quinquennat Sarkozy, la loi dite du « bouclier fiscal ». Pire, on peut facilement interpréter cela comme un renvoi d’ascenseur : Lilianne Bettencourt soutien l’UMP légalement, on en est sûr. Ce qu’on ne sait pas, c’est à quoi servent ces énormes sommes d’argent liquide que Lilianne Bettencourt semble faire retirer de son agence bancaire ? Qui peut croire sérieusement que 50000 euros en liquide servent à faire des courses à une époque où les chèques et les cartes bancaires haut de gamme destinées à une clientèle VIP existent ? Là, une autre question survient : pourquoi une personne comme Lilianne Bettencourt n’a pas connu de contrôle fiscal depuis 15 ans ? Renvoi d’ascenseur, pur hasard ?

Le doute est légitime. Pourtant, la réponse de l’UMP et du président Sarkozy qui osent parler de "rumeurs sur internet" ou de calomnies est une insulte faite aux Français et à leurs doutes légitimes. A des questions légitimes des citoyens, il faut des réponses.

Pour Sarkozy, l’affaire est finie

Et c’est bien là la surprise. Celui qui nous avait promis une république irréprochable se contente visiblement du rapport d’un responsable de l’IGF [1], rapport produit en 10 jours et qui blanchit l’ex-ministre du budget Eric Woerth. Et il conseille simplement à Eric Woerth de quitter son rôle de trésorier de l’UMP. C’est fini, il n’y a plus d’affaire. Sauf que, évidemment, cela ne répond à aucune des questions et suspicions évoquées plus haut. Pire, il laisse entendre qu’il ne faut pas trop ennuyer un capitaine d’industrie comme Lilianne Bettencourt puisque l’on parle là d’une des plus grosses entreprises françaises. Oubliés les comptes en Suisse de la richissime vieille dame, l’évasion fiscale à tout va ? On espère juste que la justice pourra faire son travail en toute indépendance. Et les multiples affaires Bettencourt ne sont pas terminées. Le filon semble inépuisable.

Tout cela dénote un manque de rigueur de l’UMP et du président de la République. La collusion avérée de l’UMP et de Sarkozy avec les milieux d’argent n’est plus à démontrer. Et il était évident, depuis Mai 2007 que cela poserait problème un jour ou l’autre. Un président de la République, un ministre, un élu doivent prêter d’autant plus attention à ces relations que tout autre citoyen. C’est une question d’éthique. En balayant dès le début de son quinquennat la critique de sa proximité avec les milieux d’affaires, Sarkozy a commis une erreur majeure. Et les Français lui en tiendront certainement rigueur.

La retraite, dans ton cul

Toute cette affaire ne serait presque rien si elle n’était pas révélée dans un contexte où l’on demande des sacrifices aux Français en repoussant l’âge de la retraite à 62 ans au mieux. Comme mesure de justice, Nicolas Sarkozy évoque la prise en compte de la pénibilité qui est en réalité un mensonge puisque au final, les personnes en invalidité du travail auront juste droit à une retraite à 60 ans. Et puis ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans pourront eux aussi partir à 60 ans. Il oublie de dire que ceux qui ont travaillé à l’age de 18 ans travailleront en réalité 44 ans et pas 42 ans. Et que la plupart des Français devront, pour toucher une retraite potable, travailler jusqu’à 67 ans. Enfin, dernier détail, il oublie de dire que "cette grande réforme", la 3ème depuis 1994, ne règle rien : ces mesures sont de toute façon nettement insuffisantes pour régler le problème des retraites à long terme. La boucle est bouclée : cette réforme, qui n’a de réforme que le nom puisqu’elle se contente d’ajuster des variables, est aussi nulle que les précédentes et aussi injuste.

On atteint le sommet de l’insupportable quand Sarkozy avoue honnêtement que les manifestations des salariés attendues à la rentrée 2010 ne changeront rien à cette réforme. En clair, il méprise l’opinion des Français. Voilà un bon argument pour tous ceux qui prônent une grève générale afin de faire plier le gouvernement dans une épreuve de force que l’on a pas connu en France depuis 1995...voir 1968. Là encore, une attitude plus ouverte, plus honnête et plus rigoureuse aurait été bienvenue. La confiance, ce n’est pas acquis, ça se mérite.

Justifications tout azimut basées sur des fables

Quand il a fallu à Nicolas Sarkozy justifier sa politique, le malheureux s’est en grande partie appuyé, si ce n’est sur des mensonges, tout au moins sur des fables, des légendes urbaines pour Président de la République en mal de justification. Une incroyable série de fables a été proférée devant les Français. La plupart n’étaient pas inédites ce qui rend d’autant plus suspect les intentions du président de la République. Comment rétablir la confiance des Français en s’appuyant sur des mensonges ? L’attitude même du président de la République, fuyant du regard, ne cessant de baisser la tête, ne pouvait qu’entrainer la méfiance.

Au final, ce 12 juillet 2010, par un manque de rigueur criant, Sarkozy a peut-être perdu définitivement la confiance des Français. Bon, rien n’est moins sûr. Une chose est certaine, à l’heure où un ministre se permet "une indélicatesse" de 12000 euros d’argent public, les Français attendent des élus autre chose qu’une rigueur économique. La rigueur qu’ils attendent d’eux serait certainement plus d’ordre moral et intellectuel. Pour l’instant, dans un contexte de crise économique, la colère est vraiment de rigueur comme toute réponse aux fables et à l’attitude de Sarkozy et de ses sbires.

[1Inspection Générale des Finances, donc dépendant du ministre des finances


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commentaires
Sarko tousse. Bernard Thibault et les responsables syndicaux à la rescousse ! - bombix - 17 juillet 2010 à 00:14

On atteint le sommet de l’insupportable quand Sarkozy avoue honnêtement que les manifestations des salariés attendues à la rentrée 2010 ne changeront rien à cette réforme.

Il a peut-être de bonnes raisons pour le croire :

« Comment donc un gouvernement ébranlé dans son sein comme l’est celui de Nicolas Sarkozy, François Fillon, et Eric Woerth[3] peut-il prétendre mettre en œuvre des contre-réformes qui vont à l’encontre de millions de salariés, du public comme du privé ? Où trouve-t-il les ressources nécessaires alors que sur le simple plan de la morale et des principes républicains, c’est son existence même qui pose aujourd’hui question.
La réponse, aussi désobligeante soit-elle, est à rechercher dans la politique de responsables syndicaux qui ont décidé de jouer le jeu de la réforme au nom d’un syndicalisme d’accompagnement et pour cela d’apporter le soutien indispensable à un ministre ébranlé par les affaires et à un gouvernement affaibli, incapable seul de faire passer la moindre mesure. »

La suite ici.