Hold-up du siècle à Bourges
Il ne s’agit pas du titre d’un nouveau roman à 3 balles pour touristes de passage à Bourges. Non, il s’agit bien du hold-up, un vrai. Ça se compte en millions d’euros. Une paille, non ? Environ 2 millions d’euros pour le moment. Peut-être plus. On sait pas trop, les estimations varient. Mais c’est énorme ! Le hold-up du siècle à Bourges.
Les victimes ? Nombreuses, environ 70000. Encore sous le choc, elles n’ont pas encore réagi. Le coupable ? Il est connu et toujours en activité. Que fait la police ? Ben… c’est pas son problème !
Ce hold-up, qui va coûter des millions d’euros aux Berruyers, c’est le projet de zone commerciale Avaricum, surnommé « Le trou d’Avaricum » ou encore « Ground Zero » par certains riverains.
Tout commence en 2001, durant la campagne des municipales. Une rumeur persistante fait état du projet de Serge Lepeltier de détruire le quartier d’HLM d’Avaricum pour en faire une zone commerciale. Démenti de l’intéressé : il n’y a aucun projet de destruction d’immeubles. [1] Sauf qu’en conseil municipal de Juin 2003, Serge Lepeltier présente bel et bien son projet. Après moult péripéties, dont la plus douloureuse a été l’expulsion forcée des habitants, le projet est toujours au point mort fin 2010.
Ça n’est pas la première fois qu’un projet immobilier se concrétise moins vite que souhaité. On ne va pas revenir sur le feuilleton. [2]
Mais intéressons-nous plutôt à l’aspect financier de la chose. Cet espace de 1,5 hectares est propriété publique, il appartient à la collectivité, aux Berruyers. Il est prévu de vendre le terrain 5,5 millions d’euros. Cinq millions et demi dans les caisses de la ville, c’est toujours ça. Sauf que les acheteurs veulent un terrain prêt à construire ! Pas question d’acheter un terrain rempli d’immeubles vides. C’est donc la ville qui s’y colle et rase aux frais des Berruyers tous les bâtiments. Puis on s’aperçoit que l’Yevrette passe juste en dessous. La ville, donc les Berruyers payent les travaux de détournement de la rivière [3]
. Puis on découvre ensuite des vestiges de thermes romains [4]. Encore une fois les Berruyers financent ces fouilles. A la fin 2010, la ville de Bourges a déjà dépensé 5,8 millions d’euros pour rendre le terrain vendable. [5]
Autrement dit, le terrain n’est pas encore vendu que les Berruyers ont déjà dépensé près de 6 millions d’euros ! A chaque fois qu’on fait remarquer à S. Lepeltier que la facture s’alourdit, il répond que de toutes manières, la ville rentrera dans ses frais lors de la vente. Qu’à cela ne tienne, on se dit que tous ces frais seront répercutés à l’acheteur, et que le terrain sera vendu 10 à 12 millions d’euros. Enfin, c’est ce que tout bon gestionnaire, soucieux du bien public, ferait. Serge Lepeltier, lui, non. Le prix de vente est maintenu à 5,5 millions d’euros lors du conseil municipal d’Octobre 2010. [6]
Résultat : En moins de 10 ans, Serge Lepeltier aura dépensé tout ce que la vente est censée rapporter. Mis devant le fait accompli, les Berruyers se voient forcés de donner un hectare et demi de terrain leur appartenant à des intérêts privés. D’une vente on est passé à un don. D’une cession on est passé à une spoliation. [7]
Mais ça n’est pas encore fini. Lors de ce même conseil municipal, Serge Lepeltier fait voter une rallonge de près de 2 millions d’euros supplémentaires pour « le retraitement des espaces publics » Que c’est beau le langage administratif. En résumé, et sous réserve d’autres frais ou dépenses « imprévues », Serge Lepeltier a donc décidé que les Berruyers devaient payer 2 millions d’euros pour se faire déposséder d’un hectare et demi de terrain en plein centre-ville. Ça n’est plus de la spoliation, là : c’est un hold-up !
Toute cette opération de privatisation du bien public a été organisée le plus légalement du monde. Du moins en apparence. Toutes les décisions ont été votées en conseil municipal à l’unanimité par la majorité d’adjoints godillots. L’opposition a toujours voté contre. Mais c’est toujours l’aspect anti-social de l’expulsion des populations qui a été critiqué. Bien sûr, ces expulsions sont humainement inacceptables [8]. Mais elles ont maintenant eu lieu, on doit le regretter, mais c’est un fait.
Reste la spoliation caractérisée. « Il y a des gens qui pensent que la spoliation perd toute son immoralité pourvu qu’elle soit légale. Quant à moi, je ne saurais imaginer une circonstance plus aggravante. Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que les résultats économiques sont les mêmes ». [9] Il faut espérer que l’opposition municipale va maintenant se saisir de ce problème. Yannick Bedin a commencé à en parler : [10]
Elle a jusqu’au 29 décembre 2010 pour faire un recours devant le tribunal administratif.
Vous pouvez consulter toutes les délibérations du conseil municipal à propos du projet commercial Avaricum en cliquant ici.
[1] A tel point que durant la campagne électorale, S. Lepeltier est contraint d’adresser un courrier aux habitants du quartier en s’engageant à ne pas détruire les 220 logements sociaux. Serge Lepeltier a été ré-élu. Les logements ont été rasés. Les promesses n’engagent que ceux qui les croient.
[2] Irène Félix l’a très bien expliqué sur son blog.
[5] ZAC de centre urbain Avaricum. Approbation de la modification du dossier de réalisation de la ZAC
[6] C’est qu’à 12 millions, il n’y a plus aucun acheteur ! Déjà qu’à 5,5 millions, ils ne se bousculent pas au portillon... D’ailleurs, un premier appel d’offre a été infructueux en 2005
[7] Spoliation : Action par laquelle on dépossède par force ou par fraude.
[9] Frédéric Bastiat, Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, 1850. Source Wikipedia.
[10] Yannick Bedin a commencé à en parler : Le trou d’Avaricum