Libéralisme et psittacisme.

On avait souligné l’humour de Wladimir D’Ormesson quand il avait souhaité ses vœux pour l’année 2012 en décembre… 2010 ! Mais ça ne rigole pas tous les jours chez Wladimir D’Ormesson, car dès le mois suivant, il nous avait taxé d’un billet sinistre prévoyant les pires catastrophes pour 2011. Son billet suivant n’est pas drôle non plus, sauf si on apprécie le comique de répétition, ou le comique de psittacisme [1], plutôt.
Reprenant au bond la saillie de Manuel Valls sur les 35 heures, il nous gratifie d’une série de poncifs et de contre-vérités dignes de la novlangue UMP. Mais pourquoi quelqu’un qui paraît intelligent se croit-il obligé de répéter les âneries de son parti ? L’adhésion à un parti rendrait-elle idiot ?
« En « déverrouillant » les 35 heures, pour reprendre les termes de Manuel Valls, on permettrait aux salariés, en travaillant deux ou trois heures de plus, de bénéficier d’une augmentation de leur pouvoir d’achat sans grever les finances publiques. », dit-il. Corrigeons :
– Premièrement, les 35 heures ne sont pas un verrou au delà duquel il est interdit de travailler, mais un seuil au delà duquel on doit être payé en heures supplémentaires [2]. Rien n’empêche donc les entreprises de demander à leurs employés de travailler plus, à condition de les payer plus, comme l’a souhaité Sarkozy en 2007.
– Deuxièmement, les heures supplémentaires n’ont jamais grevé les finances publiques, puisque ce sont les entreprises qui payent le surcoût, ainsi que les cotisations sociales inhérentes. Enfin qui payaient. Car avec l’application de la loi TEPA, Sarkozy a exonéré [3] ces heures supplémentaires de cotisations sociales, ce qui pour le coup, a vraiment créé un déficit pour les finances publiques, les entreprises ne cotisant plus à la retraite ni au chômage. C’est donc bien cette loi de Sarkozy qui a accentué le déficit des caisses de retraites et de sécurité sociale. Entre parenthèse, le travail sans cotisations sociales porte un nom : le travail au noir. En quelque sorte, Sarkozy a légalisé le travail au noir. Fermons la parenthèse. Autre manque à gagner pour les finances publiques : ces même heures supplémentaires ne sont plus imposables dans le revenu du salarié [4] !
– Enfin, et quiconque dispose d’un brin de cerveau l’aura compris, pour faire des heures supplémentaires, il faut d’abord avoir...un travail ! En défiscalisant les heures supplémentaires, Sarko a encouragé les entreprises à ne pas embaucher. En effet, à moins d’être un patron à la fibre sociale particulièrement développée, il faudrait être crétin pour embaucher de nouveaux employés quand on peut faire travailler ceux que l’on a déjà sans surcoût. Cette mesure a donc mécaniquement accentué le chômage [5], d’où le creusement supplémentaire des finances publiques.
Mais Wladimir d’Ormesson sait très bien tout ça, puisqu’il cite un rapport du Sénat où l’on peut lire : « Tous régimes confondus, le montant des exonérations Aubry I s’est élevé à 10,3 milliards d’euros et celui des exonérations Aubry II à 22,5 milliards d’euros. En ajoutant le montant des exonérations « Fillon » (près de 168 milliards d’euros depuis 2003), le coût total des exonérations sur la période s’élève à plus de 200 milliards d’euros ». 200 milliards dont 168 à cause de la loi Fillon [6] ! La droite est donc responsable de plus de 80% du déficit des caisses de Sécu, de chômage et de retraite !
Si ce sont tes amis UMP du Sénat qui le disent, c’est que ça doit être vrai, Wladimir, non ?
[1] Psittacisme : Trouble du langage avec répétition de phrases non comprises. (Merci bombix !)
[2] Dans la limite de 220 heures par an et par salarié
[3] L’exonération de cotisations sociales est totale pour l’employé, et partielle pour l’employeur (mais s’ajoute aux allègements déjà appliqués par la loi Fillon de 2003). On peut faire des simulations sur le site du Ministère de l’Economie. Simulateur employeur - Simulateur salarié
[4] Voir dépliant du Ministère du Travail.
[6] Loi dite d’« allègement général de cotisations sociales »