Libéralisme et psittacisme.

mardi 11 janvier 2011 à 05:42, par B. Javerliat
Libéralisme et psittacisme.

On avait souligné l’humour de Wladimir D’Ormesson quand il avait souhaité ses vœux pour l’année 2012 en décembre… 2010 ! Mais ça ne rigole pas tous les jours chez Wladimir D’Ormesson, car dès le mois suivant, il nous avait taxé d’un billet sinistre prévoyant les pires catastrophes pour 2011. Son billet suivant n’est pas drôle non plus, sauf si on apprécie le comique de répétition, ou le comique de psittacisme [1], plutôt.

Reprenant au bond la saillie de Manuel Valls sur les 35 heures, il nous gratifie d’une série de poncifs et de contre-vérités dignes de la novlangue UMP. Mais pourquoi quelqu’un qui paraît intelligent se croit-il obligé de répéter les âneries de son parti ? L’adhésion à un parti rendrait-elle idiot ?

« En « déverrouillant » les 35 heures, pour reprendre les termes de Manuel Valls, on permettrait aux salariés, en travaillant deux ou trois heures de plus, de bénéficier d’une augmentation de leur pouvoir d’achat sans grever les finances publiques.  », dit-il. Corrigeons :

 Premièrement, les 35 heures ne sont pas un verrou au delà duquel il est interdit de travailler, mais un seuil au delà duquel on doit être payé en heures supplémentaires [2]. Rien n’empêche donc les entreprises de demander à leurs employés de travailler plus, à condition de les payer plus, comme l’a souhaité Sarkozy en 2007.

 Deuxièmement, les heures supplémentaires n’ont jamais grevé les finances publiques, puisque ce sont les entreprises qui payent le surcoût, ainsi que les cotisations sociales inhérentes. Enfin qui payaient. Car avec l’application de la loi TEPA, Sarkozy a exonéré [3] ces heures supplémentaires de cotisations sociales, ce qui pour le coup, a vraiment créé un déficit pour les finances publiques, les entreprises ne cotisant plus à la retraite ni au chômage. C’est donc bien cette loi de Sarkozy qui a accentué le déficit des caisses de retraites et de sécurité sociale. Entre parenthèse, le travail sans cotisations sociales porte un nom : le travail au noir. En quelque sorte, Sarkozy a légalisé le travail au noir. Fermons la parenthèse. Autre manque à gagner pour les finances publiques : ces même heures supplémentaires ne sont plus imposables dans le revenu du salarié [4] !

 Enfin, et quiconque dispose d’un brin de cerveau l’aura compris, pour faire des heures supplémentaires, il faut d’abord avoir...un travail ! En défiscalisant les heures supplémentaires, Sarko a encouragé les entreprises à ne pas embaucher. En effet, à moins d’être un patron à la fibre sociale particulièrement développée, il faudrait être crétin pour embaucher de nouveaux employés quand on peut faire travailler ceux que l’on a déjà sans surcoût. Cette mesure a donc mécaniquement accentué le chômage [5], d’où le creusement supplémentaire des finances publiques.

Mais Wladimir d’Ormesson sait très bien tout ça, puisqu’il cite un rapport du Sénat où l’on peut lire : « Tous régimes confondus, le montant des exonérations Aubry I s’est élevé à 10,3 milliards d’euros et celui des exonérations Aubry II à 22,5 milliards d’euros. En ajoutant le montant des exonérations « Fillon » (près de 168 milliards d’euros depuis 2003), le coût total des exonérations sur la période s’élève à plus de 200 milliards d’euros ». 200 milliards dont 168 à cause de la loi Fillon [6] ! La droite est donc responsable de plus de 80% du déficit des caisses de Sécu, de chômage et de retraite !

Si ce sont tes amis UMP du Sénat qui le disent, c’est que ça doit être vrai, Wladimir, non ?

[1Psittacisme : Trouble du langage avec répétition de phrases non comprises. (Merci bombix !)

[2Dans la limite de 220 heures par an et par salarié

[3L’exonération de cotisations sociales est totale pour l’employé, et partielle pour l’employeur (mais s’ajoute aux allègements déjà appliqués par la loi Fillon de 2003). On peut faire des simulations sur le site du Ministère de l’Economie. Simulateur employeur - Simulateur salarié


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commentaires
Libéralisme et psittacisme. - Gwyddno - 11 janvier 2011 à 07:20

Et que dire des entreprises qui ont utilisé le quota maximal d’heures supplémentaires sans augmentation de salaire, simplement en l’intégrant dans le temps de travail hebdomadaire (annualisé par ailleurs) ?
Ces mêmes entreprises qui lorsqu’elles sont en difficulté n’hésitent pas à revenir à 35h... en baissant les salaires en proportion !
Bilan des courses, le passage (tardif) aux 35 heures se traduit par une chute des salaires.

Je ne suis pas contre les 35h (je suis même pour les 32h). Je pense seulement que ces lois Aubry ont été excessivement mal faites, sous la pression du patronat et qu’elles ont permis le gel voir la baisse de salaires et la généralisation de la flexibilité.


Libéralisme et psittacisme. - B. Javerliat - 13 janvier 2011 à  11:44

Ces mêmes entreprises qui lorsqu’elles sont en difficulté n’hésitent pas à revenir à 35h... en baissant les salaires en proportion !

Exact. C’est ce qui est arrivé à un ami il y a peu.

Jusqu’au vote de la loi TEPA, il travaillait 39 heures et était payé 39 heures. Normal.

Après le vote de la loi TEPA, son employeur lui a proposé de le passer à 35 heures + 4 heures supplémentaires, en lui expliquant qu’en plus, ces 4 heures supplémentaires étaient non-imposables. Trop content d’économiser un peu d’impôts, il a donc accepté.

Quelque temps plus tard, l’employeur a expliqué qu’il y avait moins de travail a cause de la crise, et qu’il devrait se contenter des 35 heures, sans heures sup.

Ou comment baisser légalement le salaire d’un employé. Inutile de préciser qu’il ne les fait pas ces 35 heures, car la charge de travail n’a pas du tout changé. Il bosse autant que quand il était sur 39 heures, mais il n’est plus payé que 35. Il travaille donc autant pour gagner moins.

Il n’a pas osé réclamer, car avec plus de 4 millions de chômeurs, 35 heures c’est mieux que 0 s’il se faisait virer...

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Libéralisme et psittacisme. - Gwyddno - 13 janvier 2011 à  12:35

C’est aussi mon cas. Baisse du temps de travail avec baisse de salaire acceptée sous la pression de licenciements éventuels à cause de la crise. Résultat : les licenciements tout de même eu lieu par la suite et les salariés ont vu leur salaire amputé pour une durée indéterminée.
Difficile de lutter en reculant...

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