Le XXIème siècle commence à Fukushima

Comprendre quelque chose, c’est comprendre son origine. Nous savons quelque chose, non seulement lorsque nous constatons un fait (ou une série de faits), mais quand nous sommes capables de situer sa cause ou ses causes, et d’en comprendre la finalité. A contrario, le sentiment de l’absurde est lié à la perception d’éléments fragmentaires que nous ne sommes pas en mesure d’intégrer dans une totalité qui leur donne sens.
Il en va de l’intelligibilité en histoire comme dans les sciences de la nature. Dès lors, dans la compréhension de l’histoire comme elle va, il est utile d’assigner et de désigner des événements qui, comme origine, éclairent le sens d’une série de faits qui nous emportent vers notre destination.
Les historiens sont à peu près unanimes pour situer l’origine du XXème siècle en 1914. Le XIXème siècle aura été le siècle de l’apogée de l’Occident, dans sa forme européenne. Siècle des révolutions politiques commencées avec les révolutions américaine et française. Siècle de la révolution industrielle qui imposa la conception occidentale du monde à l’ensemble des nations, par le triomphe de son modèle scientifique et technique, vecteur d’une puissance jamais atteinte dans l’histoire des hommes. Puissance qui se traduira politiquement par la tentative d’asservissement des peuples du monde au moyen des conquêtes coloniales. La mondialisation ne commence pas dans les années 90, après la chute du mur de Berlin. Elle s’origine dans la découverte du Nouveau monde par Christophe Colomb, en 1492, laquelle se traduit immédiatement par la spoliation des terres conquises, et le meurtre à grande échelle des populations et des sociétés rencontrées [1].
Le XIXème siècle s’arrête en 1914. Les puissances européennes qui se sont réparties inégalement le gâteau colonial entrent alors en conflit ouvert. L’Allemagne veut sa part. Il en résultera deux guerres mondiales, incroyablement destructrices, tant sur le plan humain que matériel. Des marées humaines sont mises en branle. Les champs de batailles opposent des millions d’hommes, formatés et disciplinés. Un matériel titanesque est mobilisé. La guerre est totale, n’épargnant ni les civils, ni la nature, ni les œuvres de la civilisation. Le champ de bataille s’étend à l’ensemble de la planète.
La fin d’une guerre totale est subordonnée à l’éradication, l’élimination complète et définitive d’au moins l’un des belligérants. D’un point de vue militaire, cette éradication prend la forme de la destruction de zones géographiques entières et de leurs habitants : Dresde est détruite par 650.000 bombes incendiaires : méthode ancienne ; Hiroshima est détruite et soufflée par une seule bombe nucléaire, la première : méthode nouvelle. Avec la bombe atomique, l’efficacité technique de destruction est portée à son comble. Par un effet de seuil, l’augmentation quantitative engendre une saut qualitatif. La bombe signe la fin du conflit et inaugure une nouvelle distribution des forces, avec l’illusion d’un équilibre possible de la violence absolue. On verra qu’il n’en est rien. Reste que le monstre nucléaire prend une figure, sinon plus humaine, du moins plus acceptable. On emprisonne – jusqu’à quand ?— le dragon dans de gigantesques usines pour produire l’énergie qui permet le fonctionnement frénétique des centres de production. L’économie, ou la guerre continuée par d’autres moyens.
L’ennemi écrasé militairement à Berlin et à Hiroshima, on s’emploiera
ensuite à désigner le mal. C’est l’autre aspect de la victoire totale. Le nazisme n’est pas l’enfant terrible engendré par une Allemagne, élève zélée d’un Occident arrogant et criminel, sinon tout au long de son histoire, depuis le XVème siècle au moins ; il est le Mal substantifié. On invente de nouvelles catégories juridiques, tel « le crime contre l’humanité » pour qualifier ses exactions. Le profit de cette opération est double. D’une part, on oublie les précédents. Le Mal en tant que tel ne saurait avoir d’origine, il est le « tout autre ». D’autre part on désigne ce qui a permis la victoire sur le Mal comme le Bien [2]. Petite difficulté toutefois : le Bien, en 1945, a deux visages : celui souriant de la radieuse démocratie libérale américaine, et celui, plus grimaçant, de la Russie soviétique qui, sous les ordres de Staline, a terrassé la Bête. Cela empêche encore aujourd’hui la stricte équivalence des deux régimes, nazis et staliniens, en dépit de leur gémellité attestée concernant aussi bien les moyens utilisés (dont le sacrifice de millions d’individus) que la fin projetée : l’avènement d’un homme nouveau, plastique, simple rouage d’une « civilisation » fondée sur la puissance. Qu’on y glorifie la race ou la classe n’a, en l’occurrence, qu’une importance secondaire.
Ce hiatus fait se prolonger le XXème siècle pendant quelques décennies encore. Après guerre, on liquide. La décolonisation va bon train. La France de Pétain signait sa défaite humiliante à Rethonde. Celle de De Gaulle déclare forfait à Diên Biên Phu [3] . S’en est fini de la glorieuse Weltpolitik. Et celui qui incarnait la Nation, la « France éternelle dans sa grandeur et son honneur », rappelé au pouvoir pour sauver ce qui peut l’être de l’autre côté de la Méditerranée, finit par négocier les accords d’Evian [4].
On oublie l’opprobre en savourant les joies nouvelles de la société de consommation. Avec les trente glorieuses, un équilibre précaire s’installe. On bouffe, on jouit sans entrave, et on pollue. On pourrait presque croire au progrès dans la paix retrouvée.
Pourtant le XXème siècle n’aura pas été une bonne affaire pour la vieille Europe. On a pu considérer, à juste titre, la guerre de 14-45 [5] comme un suicide. « Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles » résumera Paul Valéry. Plusieurs artifices permettront néanmoins de dissimuler la mauvaise nouvelle. Si le plan Marshall nous met sous perfusion américaine, il reste que le centre de gravité, le pouls du monde s’est déplacé. Washington fixe désormais pleinement les règles du jeu, militaires et économiques. Et ce n’est pas les fondations d’un marché commun unique, élaboration laborieuse d’une Europe des marchands claudiquant sur un pied français et un pied allemand qui va changer la donne. Au contraire, l’Europe qui s’invente dans ces années-là sera l’outil de normalisation imparable du capitalisme nouveau lorsque l’autre ennemi sera enfin défait.
La victoire totale aura donc connu deux étapes : Hiroshima en 1945 et la chute du mur en 1989.
De 1989 à 2011, le XXème siècle n’en finit pas de mourir. La mondialisation heureuse n’aura été qu’un pétard mouillé. « C’est quand elles finissent mal que les fêtes deviennent drôles » persifle Philippe Muray. Voire. De l’homme « hyperfestif » des années 90 radiographié avec la jubilation carnassière du même Muray, nous sommes passés (assez logiquement en somme) à l’homme déprimé peint par la lucidité accablante de Michel Houellebecq. À « l’optimisme con » [6] des trente glorieuses a succédé « l’intelligence » désespérée d’une époque sans rêve ni lendemain [7]. Individualisme dérisoire, précarité galopante de « l’humaine condition » sous tous ses aspects [8], travail fragile et lacunaire, loisirs marchandisés, amours liquides [9], culture soumise et émasculée : la fin de l’histoire n’est pas marrante.
La fin de l’histoire est d’autant moins drôle que d’autres périls se manifestent. Le problème écologique ne date pas d’hier, si sa prise de conscience est contemporaine. Dès le début des années 70, dans l’indifférence générale, René Dumont, véritable fondateur de l’écologie politique, sonnait l’alarme et dressait un constat lucide de la situation [10]. Juste après la guerre, dans une oeuvre somptueuse aussi ignorée que méprisée, Jacques Ellul identifiait derrière le concept de Technique le péché d’un Occident ivre de puissance [11].
On peut même remonter plus loin. Qui a écrit : « L’homme créateur a outrepassé les bornes de la Nature et, avec chaque nouvelle création, il s’en écarte de toujours de plus en plus, et devient de plus en plus son ennemi. C’est cela son « histoire mondiale », l’histoire d’un fossé fatidique se creusant toujours plus profondément entre le monde de l’homme et l’univers : histoire d’un rebelle qui a grandi jusqu’à lever la main sur sa mère. C’est le commencement de la tragédie de l’homme : car des deux, la Nature est la plus forte. L’homme ne cesse pas d’en dépendre puisque, immanente, elle continue à l’englober en elle-même, lui comme tout le reste, en dépit de tout ce qu’il peut faire […] La lutte contre la nature est sans espoir : et pourtant, elle sera poursuivie jusqu’à sa fin. » ? Un certain Oswald Spengler. En 1931 [12].
Après l’histoire donc, la catastrophe. Et c’est pourquoi Fukushima est la borne qui marque notre entrée dans le XXIème siècle. Nous avons pu sortir des viols et des violences de l’odieux XXème siècle, si incommensurables fussent-ils. Mais il n’y aura pas d’au-delà de la catastrophe.
Dressons les figures qu’elle peut prendre : d’une part l’effondrement des équilibres fragiles des écosystèmes ; d’autre part l’accident fatal, tel que Fukushima en dresse le modèle. Nous allons y revenir. Il faut y revenir, d’autant que l’idéologie scientiste fonde son optimisme sur l’innocuité nucléaire d’abord, sur les promesses des nouvelles technologies issues du « small bang » — la fameuse révolution « nano » – ensuite. Nous oscillons du Charybde du réchauffement climatique, au Scylla du cauchemar nucléaire.
Ce n’est pas une question théorique, « un problème intéressant » pour hommes cultivés qui bavardent dans leur cabinets confortables. Jean-Pierre Dupuy, l’un des meilleurs spécialistes de la question prévient [13] : 1) les ressources d’énergie classiques (pétrole, gaz) s’épuisent 2) les pays producteurs sont tous situés dans des régions géo-politiques très instables. La course à l’énergie, vitale pour les économies, sera conflictuelle, et on ne se battra pas à fleurets mouchetés 3) le réchauffement climatique est un fait [14], avec les conséquences dramatiques que l’on peut imaginer, dont la désertification accélérée dans de nombreux pays. Il y aura une guerre de l’eau, et pas seulement une guerre du pétrole.
Une issue consisterait à empêcher les pays émergents de suivre notre modèle de développement. Mais comment y arriver, et au nom de quoi ?
L’autre issue repose sur l’espoir d’une mutation technologique providentielle, fondée sur le nucléaire d’une part, sur les nanotechnologies, moins consommatrices d’énergie, qui rejettent moins de carbone dans l’atmosphère, d’autre part [15]. « On frémit d’effroi lorsqu’on apprend qu’aucun scénario dressé par les organismes spécialisés ne comporte de solution réaliste pour passer le cap des années 2040-2050 […] Rien dans ce que je viens de dire n’est incertain. Les experts, relayés en France par les corps techniques de l’État, savent. Mais ils jugent que leur rôle n’est pas de s’adresser directement au public. Ils ne veulent pas prendre la responsabilité de créer la panique […] La classe politique inculte en général en matière scientifique et technique, de toute façon constitutivement myope, dans le temps (cinq ans maximum) comme dans l’espace (les confins de la souveraineté nationale), n’a rien à dire à ce sujet. [16] »
En clair, pour éviter la catastrophe écologique annoncée, on ne peut miser que sur une énergie « propre » à savoir le nucléaire, et sur les ressources infinies des technosciences.
Dénouement heureux probable, ou poursuite imbécile dans l’aveuglement ?
Il s’agit en effet, on l’aura compris, de combattre le mal par le mal. Les technosciences cancérisent le monde. Davantage de sciences et de techniques régleront-ils nos problèmes ? Le pétrole et le charbon menacent les fragiles équilibres de la planète ? L’énergie nucléaire, qui ne dégage pas de gaz à effets de serre, sera-t-elle notre salut ? Les nanotechnologies nous feront sortir d’une ère industrielle grossière et polluante. Dit-on. Mais les nanotechnologies c’est aussi l’arme absolue des nouvelles sociétés de contrôle [17]. C’est le danger colossal d’une intervention de l’homme sur le vivant lui-même, en ses tréfonds, et sur ce vivant-parlant qu’est … l’homme lui-même. On laissera pour l’instant de côté le problème « nano ». Revenons au nucléaire.
Le problème étant posé comme il l’est, disons tout de suite que la réponse est assurée : il n’y aura pas de sortie du nucléaire. Les conditions de sortie du nucléaire seraient une reprise du contrôle démocratique de la situation d’une part, la possibilité de s’en passer d’autre part. Cela suppose donc des citoyens capables d’accéder à leur autonomie politique, et des citoyens suffisamment conscients de leur responsabilités pour sacrifier leur confort immédiat afin d’assurer la survie de leurs enfants et leurs petits-enfants. Ne rêvons donc pas. Pour calmer l’angoisse, on nous assomme de calembredaines sur le « développement durable », on nous abrutit avec l’industrie du divertissement, on organise l’alternance politique pour nous donner l’illusion qu’un choix politique est encore possible. Voilà pour la gestion de la crise. Pendant le compte à rebours, les affaires continuent.
Fukushima marque l’entrée dans le XXIème siècle, parce que Fukushima marque l’entrée dans la catastrophe. Non pas la catastrophe redoutée. Le pire après tout n’est pas toujours sûr. Non, la catastrophe réelle. Après le 11 mars 2011, la catastrophe n’est pas pour demain. Nous y sommes. En plein.
Des esprits affutés se récrieront : Fukushima n’est pas la première catastrophe. Il y en a eu d’autres, et on s’en est sorti. On pense à Tchernobyl. Mais d’abord, s’en est-on sorti ? Mais, plus décisif, Tchernobyl n’est pas un argument, en l’occurrence. Il n’y aurait eu qu’un Tchernobyl, l’accident nucléaire serait resté … un accident justement. L’exception tragique qui confirme la règle : le nucléaire est sûr. Deux accidents, deux Tchernobyl, et c’est la règle elle-même qui vole en éclat. Fukushima n’est pas plus sûr que Tchernobyl, en dépit du fait que le Japon fasse partie des pays les plus développés et les plus riches du monde. Il n’y a donc pas de « sécurité nucléaire ». L’accident est possible. Il a eu lieu donc il aura lieu. Avec Fukushima, nous n’en sommes plus aux hypothèses.
Car l’industrie nucléaire ne tolère pas l’accident. Jadis on disait : probabilités minimales, conséquences maximales. De la probabilité minimale, on en avait conclu indument à la probabilité zéro. Fukushima démontre par les faits le sophisme du raisonnement. Il n’y a pas de probabilité zéro, donc il y aura de nouveaux accidents. Voilà pourquoi nous sommes historiquement entrés, avec Fukushima, dans l’ère des catastrophes qui caractérisera le siècle qui débute.
Il n’est d’ailleurs pas impossible que la prochaine catastrophe se produise en France. La France est l’un des pays les plus nucléarisés du monde. Dans le Cher, pourquoi non ? Si ce n’est pas pour demain, c’est pour après-demain. Et nous ne pourrons pas dire que nous ne le savions pas. Et le sachant, nous consolerons-nous en nous disant qu’il n’y avait rien à faire ?
Un ami lecteur attentif me demande pourquoi le XXIème siècle ne commencerait pas, plutôt, avec le 11 septembre 2001. C’est une thèse qui paraît plausible, et qui a d’ailleurs été soutenue. Mais je préfère déplacer la césure en 2011, en défendant une autre thèse, selon laquelle le XXIème siècle sera le siècle des catastrophes. Il ne s’agit pas d’une peur millénariste, mais de la considération de ce qui vient après l’histoire. Dans cette optique, il me semble que le 11 septembre appartient encore à la séquence antérieure. Al-Qaida (si elle existe) est née par le fait même des US, dans le dessein prémédité de déstabiliser l’ex-URSS. Dans un contexte de guerre froide donc. Le 11 septembre est comme une mine oubliée qui aurait explosé sous les pieds même de celui qui l’avait posée. Le 11 septembre doit son impact à la spectacularisation intense de l’événement. Mais les US ne se sont pas effondrés avec les tours jumelles. En revanche, le Japon pourrait être durablement affecté, dans son économie, dans son agriculture, dans son territoire même, par les retombées de Fukushima. Au temps des catastrophes, l’ennemi est à l’intérieur. Ou plutôt, l’ennemi, c’est nous-mêmes. Nous livrons une guerre à la nature, mais nous sommes dans la nature, comme le rappelle Spengler. Notre défaite est certaine et notre impuissance peut-être totale, comme citoyens et individus en tout cas.
Par ailleurs, j’ai limité mon propos au problème écologique. Notre système économique lui-même n’est pas à l’abri des catastrophes, comme la crise de 2008, dont nous ne sommes pas sortis, l’a amplement montré.
[1] Lire à ce sujet Howard Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis en particulier le chapitre I. Citant Las Casas, il écrit « À mon arrivée à Hispaniola, en 1508, soixante mille personnes habitaient cette île, Indiens compris. Trois millions d’individus ont donc été victimes de la guerre, de l’esclavage et du travail dans les mines, entre 1494 et 1508. Qui, parmi les générations futures, pourra croire une chose pareille ? Moi-même qui en fut le témoin oculaire, j’en suis presque incapable. » [...] Ce que fit subir C. Colomb aux Arawaks, Cortes le fit subir aux Aztèques du Mexique, Pizarro aux Incas du Pérou et les colons anglais de Virginie et du Massachussets aux Powhatans et aux Pequots [...] Au commencement était la conquête, l’esclavage et la mort. »
[2] Les récentes confessions de Robert Mc Namara, dans un film diffusé sur Arte en 2010, témoigne d’une prise de distance critique récente à l’égard de ces jugements faciles. Mc Namara y déclare notamment que c’est uniquement parce que les USA étaient victorieux qu’il n’a pas été possible de les inculper pour crimes de guerre après la reddition du Japon. Il était bien placé pour le savoir puisqu’il occupait, à cette époque, un poste clé dans l’armée américaine.
[3] Pas de confusion ici. De Gaulle n’est plus aux affaires en 1954. Je parle ici de la France de De Gaulle, la France victorieuse de l’Allemagne en opposition à la France collaboratrice de Pétain. La IVème République s’est enlisée dans la décolonisation. En 1958, elle fait appel à l’homme de Londres pour la sortir de là. Avec le résultat qu’on connaît.
[4] Le 18 mars 1962, est signé à Evian un traité instituant le cessez-le-feu en Algérie. Est ainsi mis terme à une guerre qui ne disait pas encore son nom.
[5] L’hypothèse d’une guerre continuée de 1914 à 1945, malgré l’armistice du 11 novembre 1918 est prise au sérieux par de nombreux historiens. Voir par exemple, L’Âge des extrêmes, de E.J. Hobsbawm
[6] On se reportera au drôlissime « Jacques Prévert est un con » : « On est malgré soi frappé par l’optimisme de cette génération. Aujourd’hui, le penseur le plus influent, ce serait plutôt Cioran. À l’époque, on écoutait Vian, Brassens ... Amoureux qui se bécotent sur les bancs publics, baby-boom, construction massive de HLM pour loger tout ce monde-là. Beaucoup d’optimisme, de foi en l’avenir, et un peu de connerie. À l’évidence, nous sommes devenus beaucoup plus intelligents. »
[7] A cet égard, le diagnostic posé très tôt par François Furet est resté sans appel : « L’idée d’une autre société est devenue presque impossible à penser, et d’ailleurs, personne n’avance sur le sujet, dans le monde d’aujourd’hui, même l’esquisse d’un concept neuf. Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons. » F. Furet, Le passé d’une illusion, 1995.
[8] Rendons gloire à Laurence Parisot, la patronne du MEDEF, d’avoir su ciseler dans une formule lapidaire, la caractéristique essentielle du monde qu’elle travaille à façonner avec une belle ardeur. cf. l’analyse pertinente de J.M. Muglioni : Sur un mot révélateur de Laurence Parisot : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »
[9] Le concept d’amour et de vie « liquides » sont développés avec brio par le sociologue Zygmunt Bauman
[10] L’Utopie ou la mort, 1973
[11] Sur Jacques Ellul, on pourra lire par exemple Jean-Luc Porquet : Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu, Le Cherche Midi, 2003
[12] O. Spengler, L’homme et la technique, NRF Idées Gallimard, pp. 90-91
[13] Jean-Pierre Dupuy, Devant la catastrophe, in Tisser le lien social, sous la direction d’Alain Supiot, Editions de la Maison des sciences de l’homme, Paris, 2004, pp. 347-362. Il faudrait citer intégralement ce texte fondamental qui expose et synthétise les thèses de l’un des philosophes majeurs du moment, dont le travail consiste en partie à penser la catastrophe. Dupuy qui enseigne à l’Ecole Polytechnique, a une formation scientifique et économique. Il a travaillé notamment sur les œuvres d’Ivan Illich et de René Girard.
[14] N’en déplaise à Claude Allègre
[15] On peut raisonnablement mettre quelques espoirs dans les énergies renouvelables. Mais en l’état actuel des choses, même les plus optimistes reconnaissent qu’elles sont très insuffisantes et ne représentent pas, à elles seules, une alternative crédible.
[16] J.P. Dupuy, op. cité
[17] Pour le concept de société de contrôle, voir le texte fondateur et incontournable de Gilles Deleuze, Post-scriptum sur les sociétés de contrôle