La dette c’est du pipeau
La « dette », la « dette », on entend plus parler que de ça ! Sarko veut une "regle d’or" constitutionnelle pour l’éliminer, le PS veut administrer une purge à la grecque s’il revient au pouvoir. Même l’Agitateur est pollué par la « dette » !
Et si la « dette » c’était du pipeau ? Une astuce bien commode pour faire passer la pilule amère du démantèlement de l’Etat ? Car à chaque fois que des mesures sont prises pour réduire la « dette », c’est toujours au « train de vie de l’Etat » qu’on s’en prend. « Train de vie de l’Etat », bel exemple de novlangue libérale ! Comme si l’Etat était une entité indépendante et parasite, qui passerait son temps entre voyages aux Seychelles et yachts de luxe au frais des citoyens ! En ces temps de haine du fonctionnaire, ça marche à tous les coups ! Alors que si on parlait de « Dépenses de l’Etat », on verrait tout de suite qu’il s’agit de faire des coupes claires dans l’éducation de nos enfants, notre système de santé ou encore les services de police. Le coup de la dette, c’est un remake du coup des retraites : Les gens vivent plus vieux, il faudra donc réduire les prestations nous a-t-on dit. L’Etat est endetté, il faut réduire ses dépenses, nous assène-t-on chaque jour ! A force de répéter une grosse connerie, elle devient une vérité.
L’histoire de la « dette », c’est vraiment du pipeau. Nous serions proche de la faillite, parce que l’Etat serait endetté à 85% du PIB. Ah ? Et le Japon qui est endetté à 200% de son PIB ? Et les USA à 100% ? Ils sont en faillite ? Et d’abord, ça veut dire quoi « endetté à 85% du PIB » ? Ca veut dire que l’Etat doit 85% de ce qu’il gagne chaque année. Et alors ? A ce compte-là, quand vous empruntez 100 000 euros pour acheter une maison par exemple, alors que vous gagnez 25 000 euros par an, vous seriez endetté à 400 % ! Comparer ce qu’on doit aux revenus d’une seule année est débile ! Un taux d’endettement se calcule sur la durée de l’emprunt. C’est le rapport entre ce que vous aller gagner durant cette période et ce que vous allez payer pour rembourser durant cette même période.
Le problème est moins de savoir combien on doit, mais à qui on le doit. Auparavant [1] - avant la main mise du « marché » sur les finances d’Etat - l’Etat se finançait par des emprunts... d’Etat. Les dettes de l’Etat n’étaient donc pas dans les mains de tiers inconnus et apatrides, mais dans les mains de citoyens qui avaient les moyens de souscrire à ces emprunts, moyennant rémunération. La dette restait donc en famille. Mais cela avait un inconvénient majeur et insupportable pour les libéraux : cela faisait des masses d’argent considérables qui échappaient au secteur privé ! Il fallait donc trouver une solution pour arrêter ce scandale. Ce dont les libéraux rêvaient, l’Europe l’a fait : Le traité de Maastricht a définitivement interdit aux Etats membres de se financer ailleurs que sur les marchés [2] . Et voilà, le tour était joué. En votant « oui » au traité de Maastricht, vous pensiez éviter à vos enfants les guerres qui ont ravagé l’Europe au 20è siècle ? En fait, vous avez donné les clés – la souveraineté – du pays aux capitalistes et leur « marché »
Et ce « marché » attaque maintenant les Etats dans une guerre d’un autre genre. Car il ne faut pas oublier que c’est toujours le prêteur qui tient l’emprunteur par les c… !
[1] On va se limiter à la période qui nous concerne allant du début de la Cinquième République aux années 1980
[2] L’article 104 du traité de Maastricht interdit à la Banque Centrale Européenne et aux Banques Centrales Nationales de consentir des avances ou des prêts aux États ou aux Collectivités Publiques. L’article 123 du traité de Lisbonne reprend mot pour mot le libellé de l’article 104 de traité de Maastricht.