Impasses
Parfois, on a l’impression de tourner en rond alors que tout autour de nous les choses avancent. Mais depuis mars 2020, on a vraiment l’impression de l’inverse, la société française tourne en rond.
En mars 2020, on a bien dû se rendre à l’évidence : ce que l’on soupçonnait fortement - un système de santé défaillant, une France très dépendante à tous niveaux - était une réalité. Mais du coup, on aurait pu voir cette crise sanitaire du COVID comme une chance - si l’on peut dire - de changer les choses, une chance de redonner les moyens à notre système de santé et relocaliser, reindustrialiser le pays et également, une chance pour réévaluer l’utilité sociale d’un grand nombre de travailleurs et en tenir compte. On y a cru quelques semaines à cette prise de conscience. En attendant, il fallait gérer la crise tout de même, les stocks de masques, les confinements, les couvre-feu, les obligations diverses et variées que les français, mine de rien, ont plutôt bien respectés, on ne le dira jamais assez. Mais depuis bientôt un an et demi, en plus de la gestion de crise, on aurait pu s’attendre à un travail de fond notamment sur le système de santé. En plus, coup de bol, des vaccins, plutôt efficaces a priori et arrivés très rapidement dès la fin 2020, début 2021, allaient nous soulager. Là encore, la France était prise à défaut, son système de recherche étant visiblement moins efficace que d’autres. Mais peu importe, on allait avoir des vaccins et c’était l’essentiel. La France, très prudente, trop prudente - sous la pression supposée d’une extrême minorité d’antivax [1] - mettait du temps à mettre en place la logistique pour vacciner les Français par rapport à de nombreux pays développés dans le monde. Mais là encore, malgré un démarrage diesel, les Français allaient se faire vacciner en masse. Des mesures très contraignantes pour les Français prises depuis fin octobre 2020 allait progressivement pouvoir être levées pour l’être presque [2] totalement levées fin juin 2021. On allait pouvoir profiter des vacances d’été 2021 à peu près normalement.
On y a cru pendant 12 jours à peine. Après 15 mois de contraintes, de pressions, d’ambiance anxiogène, c’est quand même très peu. C’était en effet sans compter sur Macron et ses sbires peureux qui jouent les durs. Le 12 juillet, Macron a annoncé aux Français mi-stupéfaits, mi-résignés qu’ils allaient devoir, dès le 21 juillet, présenter un pass sanitaire pour fréquenter les lieux de culture dans un premier temps, puis début août, à peu près partout même pour boire un café. La raison de cette punition collective ? Un variant dit delta, plus contagieux, et qui se répand rapidement et des Français qui tardent à se faire vacciner en masse, même si ce retard est très relatif. Macron, dans une opération de communication qu’on peut qualifier de lamentable, opposant les bons Français vaccinés au mauvais Français irresponsables qui ne s’étaient pas précipités dans les centres de vaccination.
Le premier problème semble être la volonté de punir. Sinon, pourquoi laisser moins de 10 jours aux Français non vaccinés pour se retourner alors que tout le monde savait que le processus prenait 5 semaines au moment des annonces [3]. Pourquoi faire cette annonce en plein mois de juillet alors qu’une partie des Français sont déjà sur leur lieu de vacances ? Tout cela n’étant pas très raccord avec le retard à l’allumage de la vaccination en France et la date possible de vaccination pour les moins de 50 ans, le 30 mai 2021 et le 16 juin pour les moins de 18 ans [4]. Pourquoi également punir tous les Français qui vont devoir montrer patte blanche sanitaire pour de nombreuses actions de la vie courante, créant ainsi un dangereux précédent ? Pourquoi ne pas avoir eu le courage de déclarer la vaccination obligatoire et donner aux Français le temps de se retourner plutôt que de les prendre par surprise ? Et enfin, à partir de quel niveau de vaccination pourra-t-on considérer que le pass sanitaire n’est plus utile ? Que fera t-on avec le pourcentage de Français qui résistera aux pressions vaccinales ? Sans parler de l’application et du contrôle des mesures, cela ressemble à une impasse, impasse en premier lieu démocratique. Les manifestations qui ont lieu dans toute la France en plein été montrent bien le désarroi des Français, désarroi malheureusement récupéré par les fameux antivax et l’extrême droite française. Pour l’instant, au 1er août 2021, plus de 50% de la population française est vaccinée et 62% des Français ont reçu au moins une première dose. Là aussi, on guette l’impasse fasse à une épidémie qui progresse malgré tout - même si on le répète, être vacciné protège des formes graves de la maladie. Impasse également parce qu’il s’avère qu’au final, être vacciné ne suffit pas à prouver que l’on n’est pas porteur du COVID et donc potentiellement contagieux. Pour être totalement rationnel, le pass sanitaire devrait obliger toute la population - vaccinés ou non - à se tester régulièrement. Le pass sanitaire est donc bien potentiellement une impasse sanitaire à terme.
En parlant d’impasse, nous en avons fait une belle dans l’Agitateur avec les élections régionales et départementales. Mais les Français en général on fait l’impasse sur ces élections. Le pourquoi est simple à comprendre dans le contexte COVID : ils avaient d’autres choses à penser. De plus, l’absence de débats dans le contexte COVID ne pouvait que les inciter à, eux aussi, s’absenter des débats électoraux. Voilà qui augure mal des débats pour la prochaine élection présidentielle française. Pour l’instant, la droite se cherche un candidat, la gauche en a plein et Macron et Le Pen suivent leur feuille de route, feuille de route semée d’embûches pour Macron mais pas forcément si simple pour Le Pen. Si l’élection présidentielle n’arrive pas à mobiliser la population, il y a fort à parier que la société française s’engage dans une impasse dont elle aura du mal à sortir sans dommages.
[1] Personnes qui remettent en cause les bienfaits de la vaccination
[2] À l’exception du masque en milieu fermé
[3] Depuis, nous sommes passés à 4 semaines, une semaine étant désormais jugée suffisante après la seconde injection pour être considéré comme vacciné
[4] Les moins de 18 ans ont obtenu un sursis jusqu’au 1er septembre, c’est bien le moins qui pouvait être fait