Sobriété
Oh, qu’il est beau ce mot : sobriété. Vous l’entendez beaucoup depuis quelques semaines / mois. Et vous risquez de l’entendre beaucoup dans les mois qui viennent et ce un peu partout et pour tout.
Cela fait très longtemps, depuis les années 1960 certainement mais plus surement les années 1970 que, dans le cadre d’une société de consommation à tout va, des écologistes ont alerté sur les risques liés à la surconsommation et fait appel à la préservation des ressources naturelles. C’était déjà un appel à un retour à la sobriété. Dès la campagne présidentielle 1974, René Dumont candidat, faisait déjà quelque part un appel à la sobriété au sens propre puisqu’il buvait, devant nous, "un verre d’eau précieuse". Et oui, de l’eau.
Pourtant, on dirait qu’il n’y a que lors des crises qu’on - la société de consommation - semble avoir des sursauts et se rend compte de ses dérives. Alors, bien sûr, comme nous sommes dans une société capitaliste, il faut pour cela que cela toucher au portefeuille. Il a fallu le choc pétrolier de 1973 pour se rendre compte de l’importance de l’énergie dans nos sociétés mais la réaction - relativement modeste au final - n’a eu lieu qu’à cause de l’augmentation du cout de l’énergie. Malgré les chocs pétroliers suivants de 1979 ou plus près de nous, 2008, la prise de conscience a été de courte durée. La crise climatique, largement "popularisée" en 1997 par le protocole de Kyoto, mais qui a le défaut de ne pas être impactante immédiatement et de façon visible sur les portefeuilles et l’économie en générale, est très lente à rentrer dans les conscience et donc à pousser tout le monde à la sobriété.
Heureusement, il y a la guerre en Ukraine. Alors, heureusement, entendons-nous bien, on ne se réjouit pas de cette guerre absurde digne du 20ème siècle. On parle là vraisemblablement de centaines de milliers de morts - militaires ou civils - tous plus invisibles les uns que les autres. Mais "grâce" à la guerre en Ukraine, grâce au boycott du gaz russe et à la pénurie qu’elle génère en europe, le prix de l’énergie augmente. Ses couts se répercutent partout et génèrent de l’inflation qui touche tout le monde, les ménages bien sûr mais aussi la finance. Et le monde financier déteste l’inflation plus que tout.
Alors bien sûr, vous pouvez, nous pouvons tous contribuer à la sobriété énergétique. Et ce depuis toujours. Mais parce qu’il y a des enjeux économiques, là, le gouvernement français bouge son cul via quelques campagnes vous incitant à la sobriété : "pour économiser l’énergie, on agit, on réduit". Autant dire que l’on a quarante ans de retard au bas mot. Le fameux "chaque geste compte" est bien présent qui, si il est intrinsèquement incontestable, est très contestable politiquement vu le peu d’engagement de nos gouvernements dans ce domaine depuis toutes ces années. Mais bon, la guerre en Ukraine et aussi - il faut le souligner - l’état peu reluisant de nos centrales nucléaires risquent de générer des black-out électriques en France, en 2022. Et donc, si vous ne suivez pas bien les consignes de sobriété, nous risquons les coupures électriques. Comme pour le COVID, nous sommes - nous citoyens - culpabilisés. En vrai, nous n’avons tout simplement pas voté pour les bons dirigeants et c’est en cela que nous sommes coupables. Rien d’autre. Car en effet, aussi bien pour l’état de notre système de santé que les choix réalisés concernant notre indépendance énergétique, il faut des crises pour révéler leurs effets au grand jour. Et oui, nous sommes en retard sur les énergies renouvelables et n’avons pas entretenu correctement nos centrales nucléaires. La faute à qui ?
Bien sûr, si l’appel à la sobriété est nationale, les effets sont également locaux. À Bourges, Yann Galut va devoir prendre des mesures de sobriété "crève-coeur" selon ses propres termes. Nous sommes loin de la sobriété heureuse de Pierre Rabhi. En fait, c’est une crise qui met encore une fois en lumière des choses qui ne sont pas nouvelles comme l’état déplorable des finances des collectivités locales qui - bien qu’ayant de plus en plus de responsabilités - n’ont pas les moyens qui vont avec. Ben ouai, pas besoin d’être grand clerc pour deviner que les baisses d’impôts dont tout le monde se gargarise ne sont pas très bonnes pour les collectivités et les services publics en général. Et en période d’inflation, ne serait-ce que maintenir une stabilité des impôts est une gageure...à moins de décider de services en moins. Et c’est ce qui risque de se passer à Bourges comme ailleurs.
Alors, bon, on ne pourra pas revenir sur les erreurs du passé immédiatement. Mais au moins, on pourrait en tirer des enseignements. Ce qui serait bien surtout, c’est que la communication de nos responsables politiques devienne enfin sobre. On veut dire, plus modeste. Et qu’elle se concrétise par des actes. Parce que sinon, la sobriété, ça risque vite de nous souler.