HADOPI rate internet ?
La longue marche législative pour la survie de l’industrie musicale continue. Après la loi DADVSI [1] qui avait abouti en 2006 après plusieurs années de préparation, voici le projet de loi "Création et Internet", plus connu sous le nom de HADOPI [2]. Encore une preuve que, quand il le souhaite, l’état peut intervenir dans l’économie. Sauf que là, il vient à la rescousse d’une cause désespérée et de la plus mauvaise manière qui soit.
Sur l’Agitateur, nous avons déjà dit beaucoup de choses à propos de cette lutte interminable entre le téléchargement illégal des internautes et l’industrie musicale. Dès le 4 Décembre 2005, l’Agitateur s’associait à la pétition anti-DADVSI lancée par le site EUCD.info. On vous expliquait les dangers des DRM [3], les dégâts collatéraux potentiels...et surtout, que cela ne marcherait pas [4]. Le temps nous a donné raison et moins de 3 ans plus tard, le nouveau projet de loi "Création et Internet" va tenter de réussir ce que la loi DADVSI a raté.
Quel sont les objectifs de ce projet de loi ?
L’objectif affiché n’est pas de supprimer le téléchargement illégal. Le législateur a progressé depuis 2006 et sait désormais que toutes les mesures techniques qui pourraient être prises seront contournables. L’échec cuisant des DRM a été retenu. L’objectif est de réduire de façon sensible le téléchargement, celui de monsieur et madame tout le monde. Et derrière cet objectif, il y a bien sûr le sauvetage de l’industrie musicale. On nous parle de milliers d’emplois perdus dans cette industrie, du risque pour l’industrie cinématographique. Les arguments n’ont pas changé depuis 2006. Si il est vrai que le téléchargement illégal n’est pas pour rien dans les difficultés des industries culturelles, ce n’est que le petit bout de la lorgnette. La vérité est que l’industrie musicale a connu des difficultés suite à l’éclatement de la bulle internet en 2001 et de ses investissements hasardeux ; la conséquence a été une baisse drastique des coûts et des risques, et donc un investissement moindre sur jeunes artistes et, a contrario, de lourds investissements pas toujours réussis sur des artistes labellisés "Star Académie" ou équivalent. D’où une chute de la qualité de la production musicale et une baisse des ventes. Pour le cinéma, cet argument ne tient pas puisque les ventes de DVD et Blue Ray se maintiennent ; et surtout, des records d’entrées dans les salles obscures ont été battus en 2008. Bref, le téléchargement cache l’échec d’une industrie qui a fait des erreurs et qui ne sait pas s’adapter à un contexte massivement numérique.
Ce que prévoit la loi
La grande idée du projet de loi "Création et Internet" est de mettre en place une riposte graduée contre les internautes qui téléchargent
illégalement des œuvres protégées par le droit d’auteur. En clair, on vous repère sur le net, on vous envoie un premier avertissement par mail, un second avertissement par lettre recommandée si nécessaire. Et si enfin, après cela, vous n’êtes toujours pas revenu à la raison, on vous coupe votre accès internet.
Un projet plein de trous
Ce projet a de nombreuses faiblesses, techniques, juridiques et morales. Des faiblesses juridiques tout d’abord puisque la fameuse HADOPI sera une entité indépendante du ministère de la justice et qui prononcera des peines pouvant aller jusqu’à la coupure de l’accès internet. Des faiblesses techniques surtout puisqu’il sera très difficile de prouver son innocence pour les internautes accusés de téléchargement illégal... comme il sera tout aussi difficile de prouver leur culpabilité puisque la preuve se basera avant tout sur la fameuse adresse IP qui identifie toute connexion à internet. Or, une adresse IP est masquable et il est possible d’usurper son identité numérique par des techniques dites d’"IP Spoofing". A partir de là, les erreurs risquent de se multiplier. Enfin des difficultés morales puisque ses mesures nécessitent une vaste surveillance d’internet par des moyens techniques qui restent à mettre en place. A noter que cela entraîne une difficulté économique puisque ce sont les fournisseurs d’accès internet (Orange, Free, SFR...) qui devraient prendre en charge une partie du coût financier et pourraient le répercuter sur le prix des abonnements.
Le parlement européen contre HADOPI
Comme on l’a vu, ce projet est donc, a priori, plutôt mal parti. D’autant plus que le parlement européen a adopté à une très large majorité (481 voix contre 25), le 26 mars 2009, un rapport stipulant que l’accès à internet est un droit fondamental. Dans ces conditions, la coupure internet du projet de loi HADOPI pourrait se transformer en amende à payer pour les internautes. De plus, la Nouvelle-Zélande qui, à l’instar de la France, avait pour projet de mettre en place la riposte graduée, a décidé d’abandonner en partie son projet devant les difficultés rencontrées pour garantir la présomption d’innocence et le droit à la défense des internautes.
Alors, quelle solution ?
Comme on le disait pour la loi DADVSI, l’industrie culturelle n’a d’autres choix que de trouver des modèles économiques viables pour pérenniser réellement son activité. L’autre piste serait la licence globale que, pour l’instant, elle se refuse même d’envisager. Jusqu’à quand ?
Comme vous avez certainement pu le constater depuis quelques semaines, l’Agitateur s’est associé à la campagne de Black-out lancée par La Quadrature du Net afin de protester contre le projet de loi HADOPI. Nous vous encourageons à contacter votre député afin de l’inciter à voter contre ce projet de loi.